Vol de noix : Un homme tué dans une palmeraie de la SOCAPALM

0
182

Un homme a été tué, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2025, dans des circonstances troublantes, au cours d’une intervention des forces de sécurité camerounaises, à la suite d’un vol de noix de palme, dans une palmeraie villageoise exploitée par la Société camerounaise de palmeraies (SOCAPALM), à Eséka, une localité située dans la région du Centre du pays.

Selon un habitant de la localité interrogé par Mongabay, Frédéric Koum, la trentaine révolue, a été battu à mort par des éléments de la Compagnie de gendarmerie d’Eséka, au cours d’une interpellation de présumés voleurs de noix de palme.

« Le jeune homme a été brutalement tabassé par des gendarmes, au village Ndjassock, dans la nuit de samedi dernier. Après leurs multiples coups de violences, les jeunes gendarmes se sont rendus compte que c’est grave, puis ils l’ont conduit discrètement à l’hôpital régional d’Eséka. Hélas, il a rendu l’âme et ils sont allés laisser son corps à la morgue discrètement sans prévenir sa famille », dit un habitant qui a préféré garder l’anonymat.

Le témoignage de ce dernier est plus ou moins corroboré par celui de Zachée Nzohol, Vice-président de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), une organisation à but non lucratif engagée dans la défense des droits des communautés riveraines des plantations industrielles au Cameroun.

Il a confié à Mongabay au téléphone, que Koum ne faisait pourtant pas partie des présumés voleurs appréhendés dans la plantation, et qu’il a été arrêté hors de la palmeraie.

« Il n’a pas volé, ce soir-là. Il est venu trouver le véhicule des gendarmes en place, et a voulu savoir ce qui se passe. C’est ainsi qu’un vigile (commis au gardiennage des plantations) est allé dire aux gendarmes que c’est aussi un voleur. C’est ainsi qu’on l’a également arrêté avec les autres. Ils l’ont conduit dans leur cellule (de la Compagnie de gendarme), où il a été battu jusqu’à ce que mort s’en suive », raconte Nzohol, un autre habitant d’Eséka.

À la suite de cet incident tragique, survenu dans des circonstances assez floues, les populations se sont massivement mobilisées, le 29 juillet 2025, pour manifester devant l’usine de la SOCAPALM à Messondo, non loin d’Eséka, exigeant que la lumière soit faite sur les circonstances réelles du décès d’un des leurs.

Le Sous-préfet de la localité de Messondo, Gaël Lovet Mounom, a fait une descente sur le terrain pour tenter de calmer les populations.

Dans une vidéo amateur filmée le 29 juillet 2025, et transmise à la rédaction de Mongabay Afrique par une source locale consultée, on le voit s’adresser aux manifestants, en déplorant ce qu’il qualifie d’ « incident regrettable ». « Je voudrais exprimer mon indignation par rapport à cet acte. Je pense que les auteurs vont certainement répondre devant les juridictions compétentes, relativement à cette affaire. Nul n’est au-dessus de la loi ; nous sommes dans un État de droit », a-t-il déclaré.

Mongabay a joint respectivement au téléphone le Commandant de la Compagnie de gendarmerie d’Eséka, où les présumés voleurs ont été placés en détention, en même temps que le Secrétariat d’État à la défense en charge de la gendarmerie nationale, pour s’enquérir des circonstances véritables de ce drame, mais votre média n’a obtenu, pour le moment, aucune réponse satisfaisante.

La SOCAPALM au banc des accusés

Les villageois accusent la SOCAPALM d’être à l’origine de la situation ayant conduit la mort de Frédéric Koum et pointent un doigt accusateur sur le chef de plantation de SOCAPALM-Eséka, Emmanuel Biyong, qui aurait fait appel aux forces de sécurité pour intervenir, à la suite d’une altercation entre les agents en charge du gardiennage des palmeraies et les présumés voleurs.

Un des porte-paroles de la Société financière des caoutchoucs (Socfin), la holding luxembourgeoise, dont la SOCAPALM est l’une des entités au Cameroun, explique dans un courriel à Mongabay: « Des riverains, après avoir tenté en vain de joindre la gendarmerie, ont contacté en désespoir de cause le chef de plantation. Ce dernier, en insistant, a finalement pu les joindre pour les informer de l’altercation en cours ». « Les gendarmes se sont alors rendus sur les lieux et c’est au cours de leur intervention pour mettre fin à l’altercation que la victime, Mr Koum, aurait été interpelé dans des circonstances incertaines ».

Une enquête administrative est diligentée par les autorités locales sur cette affaire et Socfin dit qu’elle « [attend] des autorités que toute la lumière soit faite sur ce drame ».

Il importe de rappeler qu’en plus des sociétés privées de gardiennage recrutées par la SOCAPALM, pour veiller sur ses installations et ses plantations, elle fait habituellement recours aux forces de sécurité républicaines, à travers les autorités administratives locales, pour régler les différends l’opposant aux communautés riveraines de ses plantations, avec, à la clé, des arrestations et des cas de maltraitance regrettables souvent enregistrés parmi les riverains.

De la villagisation des plantations

À Eséka, la SOCAPALM a lancé depuis 2007, la « villagisation » de ses plantations, qui est une opération de sous-location de ses plantations sur plus de 2600 hectares (6425 acres), aux populations et aux élites du département du Nyong et Kellé, sous la forme de contrats PPE (Planteurs partenaires exploitants).

Ces contrats sont dénoncés par les planteurs, qui les jugent très onéreux et pas rentables pour en tirer profit et subvenir à leurs besoins.

En tant que porte-parole des planteurs indépendants, Nzohol a également dit à Mongabay, qu’« ils [leur] font louer ces plantations très chères ». « Nous louons la terre de nos ancêtres et la SOCAPALM nous prélève des impôts sur ces terres. Nous ne sommes pas libres. Les contrats de sous-traitance nous coûtent chers, alors que c’est nous qui payons l’électricité, l’eau et les ouvriers. Les planteurs ne gagnent rien ».

Les produits issus de ces plantations sont exclusivement vendus à la société, selon les clauses du contrat susmentionné, et c’est encore elle qui fixe le prix du kilogramme de noix, à en croire Nzohol.

Au demeurant, la SOCAPALM trouve que ce partenariat revêt de nombreux avantages pour les planteurs indépendants, et contribue au développement de la localité, à travers la création d’emplois, l’amélioration des infrastructures locales, et précisément le désenclavement de la zone.

L’entreprise vante également un transfert d’expériences et d’expertises, à travers un accompagnement technique personnalisé. « Socapalm accompagne les PPE tout au long du processus de création de leur plantation, dès l’acquisition des terrains. Cet accompagnement inclut un soutien technique sur la culture du palmier, l’optimisation des pratiques agricoles et la gestion de la production. De plus, Socapalm assure la transformation complète des produits des PPE, créant ainsi une chaîne de valeurs complète et soutenue, du champ à la commercialisation », souligne un porte-parole de la SOCAPALM, dans un courriel à Mongabay.

Dans le cadre de ce contrat, la société dit qu’elle forme également les planteurs à la maitrise des bonnes pratiques agricoles, qui incluent l’optimisation des rendements, l’adaptation aux normes environnementales et sociales, ainsi que la gestion durable des ressources naturelles et la sécurité au travail, etc.

Source : Mongabay

Leave a reply