Activités agro-pastorales : À l’Extrême-Nord, des projets à 600 000 dollars valorisent l’import-substitution

Un an après les inondations meurtrières dont les chiffres officiels révèlent plus de 459 000 personnes touchées, 56 000 habitations détruites, 5510 têtes de bétail perdues et 85 000 hectares de terres cultivables inondées. Kousseri s’érige peu à peu en soutien à la politique gouvernementale d’import-substitution.
Financé par le Fonds central d’intervention d’urgence ( CERF) via sa fenêtre climat, avec pour agence de mise en œuvre la FAO et Saheli comme agent d’exécution. Le projet OSRO/CMR/064/CHA lancé depuis décembre 2024 et visant à renforcer les moyens d’existence des populations vulnérables touchées par des phénomènes climatiques extrêmes, a su transformer le quotidien des populations à Kousseri dans le département du Logone et Chari. Des activités avicole, piscicole et agricole ont vu le jour. Objectif affiché, renforcer durablement la résilience de 1890 ménages dont 65% sont dirigés par des femmes ; diversifier les activités agro-pastorales des communautés de l’Extrême-Nord; améliorer leur productivité; leur permettre de développer des moyens d’existence résilients face aux aléas climatiques et assurer leur sécurité alimentaire.
Du champ au marché, le poivron de Mina Gambo se fait roi
Pas loin des berges du fleuve logone, les stigmates des inondations de 2024 sont encore bien visibles. Autour d’une parcelle, près de 1000 pieds de poivron affichent fière allure. L’heureux propriétaire a reçu quelques mois auparavant un accompagnement en semences, engrais, bio pesticides. Le champ de poivron qui amorce le cinquième mois ne cache pas l’enthousiasme de Mani Gambo. La prochaine récolte se profile à l’horizon, celle-ci se fait d’ailleurs chaque semaine et l’espace livre en moyenne 8 à 10 sacs de poivron. À en croire le concerné, le gain est appréciable, « En période de Ramadan, un sac de poivron se vend entre 30 et 40 000 FCFA. Quand il y’a d’abondance sur le marché, un sac coûte entre 6 et 8000 Fcfa tandis qu’en période de moyenne production, c’est entre 20 et 25 000 Fcfa que se vend un sac de poivron ». Calculette en main, les revenus par récolte varient de 400 000 Fcfa, 250 000 Fcfa voir 80 000 Fcfa la semaine. Une enveloppe non négligeable pour Mina Gambo, qui appelle néanmoins à être soutenu au fil du temps.
Poissons, gombo, banane-plantain : Le 3 en 1 du Gic Blackawa
Dans les artères du chef- lieu du département du Logone et Chari, Blackawa met en œuvre une activité résiliente et intégrée. Des bacs à poissons hors sol aux champs de légumes et de banane-plantain, Malamine, délégué de ce groupement d’initiative commune révèle combien l’appui de l’institution onusienne a changé la vie de ce Gic d’une quinzaine de personnes. « Au départ, nous avions commencé par un bac en béton au sol. Avec les inondations il y’a un an, nous avons perdu tout ce qu’on avait. Sur la base des enquêtes menées par Saheli, grâce au financement de CERF via la FAO, nous avons été doté de 5 bacs hors sol en plastique, de 1000 alevins et de sacs de nourriture pour nos poissons ».
Percevant les inondations comme un mal pour un bien, Malamine explique que non seulement la production s’est grandement améliorée, mais ils ont également bénéficié de plusieurs séances de formation sur comment produire les aliments des poissons à travers des matériaux locaux; reproduire les alevins et assurer la maintenance des bacs. « Avant nous n’avions pas une telle production et jusqu’à ce jour, y’a jamais eu rupture d’aliments. Chacun de nos bacs abrite 250 silures, soit 1250 au total, pour poids actuel qui oscille autour de 600 g/poisson. Dans un mois pratiquement, chacun de nos silures devrait peser au-delà d’un kilogramme. ».
Face aux caprices du climat marqués par une hausse exceptionnelle des températures et un risque élevé de sécheresse. Le Gic Blackawa a mis en place un mécanisme révolutionnaire pour produire des légumes et de la banane-plantain. « L’eau qu’on vide des bacs est très riche, c’est grâce à cette dernière que nous produisons déjà de la banane-plantain ici à Kousseri. Par ailleurs, nous avons plusieurs variétés de légumes, du gombo et même des manguiers qui poussent ça et là ».
Le come-back de Goliath chez les poulets
350 poulets Goliath introduits, un incubateur automatique d’une capacité de 530 œufs. L’activité avicole prend son envol dans la région de l’Extrême-Nord, spécifiquement à Kousseri où la qualité et le poids du poulet laisse à désirer. À la manœuvre de cette reprise d’activité, une cinquantaine de personnes issues de 3 groupements d’initiatives communes.
Bénéficiaires du financement de CERF, ces groupements entendent se relever des affres de violentes inondations de 2024, diversifier leurs activités, se garantir d’une certaine sécurité alimentaire et améliorer leurs revenus.
Sous une température de 37°C, des œufs de 21 jours couvent à l’intérieur d’un incubateur. Non loin de là, les 117 poulets Goliath du Gic Solidarité au quartier Hilé Haoussa piaillent dans un enclos aménagé pour la circonstance. À la tête de cette organisation qui compte 30 membres, majoritairement des femmes. Yaïya Achadji Abakar, délégué du Gic veille au grain et remercie sans cesse les donateurs qui ont mis à disposition, poussins, abreuvoirs et aliments pour leur volaille. Chaque geste reflète un objectif commun, celui de multiplier la population de poulets et faire grandir la ferme.
Ancien éleveur de poulet, le GIC Taïgué ( rassemblement en langue toupouri ) a essuyé une perte d’environ 250 poussins au cours des inondations d’octobre 2024. Grâce à CERF, ce dernier a bénéficié 113 nouveaux poussins, d’abreuvoirs et de sacs d’aliments. « Nous étions vraiment désespérés. Avec cet appui qui nous soulage énormément, nous comptons augmenter notre production et diversifier notre activité en introduisant des paons et des oies hybrides », indique Mme Yvette Yanpelda. Si le désespoir n’a pas un échéancier arrêté, au sein du GIC Taïgué, des mesures anticipatoires ont été prises, « Nous avons construit de petits hangars déplaçables et aménagé des espaces suspendus pour répondre à de nouvelles inondations », confie la même source.
Des actions concrètes sur le terrain
Pour rappel, dans le cadre du projet OSRO/CMR/064/CHA, plusieurs activités ont déjà été recensées sur le terrain. De manière non exhaustive, on peut citer : La distribution de 21,25 kg de semences de morelle, 85 kg de pastèque, 21,25 kg de poivron et 212,5 kg de gombo, 21 250 kg d’engrais, des biopesticides et des outils à 850 ménages. La distribution de 3 750 kg de semences de maïs, 3 750 kg de niébé, 4 500 kg de sorgho, 18 750 kg d’engrais et des outils à 750 ménages; la distribution de 50 bacs hors-sol, 17 000 alevins et 900 sacs d’aliments pour poissons à 10 groupements de producteurs piscicoles
(150 ménages).
Distribution de 2 500 poulets de chair, 250 sacs d’aliments pour volailles, 50 poulaillers, des mangeoires, des abreuvoirs et des produits vétérinaires à 50 ménages.
• Distribution de 70 poules reproductrices, 93 sacs d’aliments pour volailles, des produits vétérinaires, des mangeoires, des abreuvoirs et d’un incubateur communautaire d’une capacité de près de 530 œufs composé d’un système d’énergie solaire à trois groupements de producteurs avicoles (90 ménages).
• Sensibilisation de 1 463 personnes aux principaux risques climatiques, notamment les inondations et les sécheresses, à l’anticipation communautaire et aux stratégies de protection des moyens d’existence locaux.
• Sensibilisation de 2 870 personnes sur les variétés adaptées au climat, les techniques de production améliorées et la gestion post-récolte.
• Formation de 55 acteurs locaux, incluant le personnel de l’ONG Saheli, des services techniques, des autorités locales et des représentants des associations de producteurs, sur les techniques agropastorales et piscicoles adaptées aux phénomènes climatiques extrêmes, afin d’assurer leur diffusion efficace au sein des communautés.
Alors que le deadline du projet est fixé au 30 novembre 2025, pour Léonard Djingui Souga, point focal dudit projet et spécialiste national DE/AA à la FAO, « À travers un paquet d’activités orienté vers les secteurs agricole, piscicole et avicole. Ce projet qui intègre des techniques climato-intelligentes, est venu renforcer les capacités de résilience des communautés qui ont tout perdu ».