DOUMOU VOUNDI Yvette Natacha : Une drépanocytaire qui a appris à vivre avec son mal

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Drépanocytaire connue et chercheur en sociologie (Recherche Action en Système de Santé en Afrique), elle partage avec nous son vécu quotidien dès la découverte de la maladie jusqu’à nos jours en l’occasion de la journée mondiale de la drépanocytose célébrée le 19 juin 2024.

C’est entre 3 à 6 mois que les parents de Natacha VOUNDI ont constaté qu’elle est atteinte de cette maladie d’origine génétique qui altère l’hémoglobine dite drépanocytose. Un scénario renouvelé pour ces derniers car, ayant précédemment perdu un fils victime de la maladie, ils avaient conscience des symptômes préliminaires y afférents entre autres le syndrome pieds-mains, et les anémies. « A ma naissance, l’aîné de notre famille était déjà décédé étant petit suite à une complication liée à la drépanocytose. Lorsque je suis née, mes parents ont remarqué les signes vus chez mon défunt grand frère. Ceci les a amené à   faire le test de l’électrophorèse de l’hémoglobine qui est venu confirmer la présence de la drépanocytose en moi. », explique-t-elle.

Depuis le bas âge, fréquemment victime de railleries et de stigmatisation, en sachant qu’elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de sa famille, il a en plus fallu s’armer de beaucoup de courage pour s’insérer en société. « Au primaire, ce n’était pas évident avec les moqueries des camarades. Certains disaient même que j’étais une sorcière et que je suis née pour faire dépenser mes parents. Au fur et à mesure que je grandissais, en sachant que je pouvais compter sur ma famille en or qui m’a toujours montré beaucoup d’amour, je puisais la force dans l’amour que mes parents me donnaient pour pouvoir faire face à certaines choses. Je me suis rendue compte que je m’en foutais même déjà et j’ai commencé à me faire de vrais amis », confesse-t-elle.

Devenue grande, l’excès de froid ou de chaleur, le stress, le début de paludisme, la présence d’une infection, sont l’ensemble des choses étant à l’origine des crises vaso-occlusives (CVO) caractérisées par le mal d’articulations chez cette dernière. La maladie se manifeste également par de fortes fièvres et même le changement de la coloration des urines qui devenaient soit foncées soit avaient une couleur apparente au coca cola.  « La plupart du temps ce sont les douleurs qui caractérisent la drépanocytose en moi. On a mal aux os, aux articulations. C’est un mélange de douleurs en fait. C’est un peu comme ci on avait jumelé le mal de dent, le mal d’oreille, et le mal du nombril. Je ne sais pas comment expliquer. C’est comme si on tape l’os, comme si on était entrain de le scier. C’est vraiment atroce et insupportable. Parfois tu as l’impression que tu vas mourir à cause de la douleur. Depuis quelques temps, ça se manifeste aussi par l’excès de fatigue. Y a des moments comme ça où j’ai seulement envie de dormir. Dans ce cas, je fais généralement la NFS (Numération Formelle Sanguine) et une goutte épaisse qui montre que mon taux de sang a baissé ou qu’il y a un palu qui est entrain de commencer. », raconte la jeune Natacha VOUNDI. Pour y remédier, elle ajoute qu’on lui prescrit généralement des médicaments en commençant par les paliers les plus bas de l’anti douleur. On augmente le palier du médicament au fur et à mesure jusqu’à ce que la douleur se calme. « Pour moi le médicament qui marche déjà c’est celui du deuxième palier c’est-à-dire le Trabar », affirme-t-elle. En outre, la vie de la jeune Natacha n’est pas trop restreinte côté alimentation. Il n’y a que les aliments secs tels que bâton de manioc, ou les repas qui ont beaucoup d’huile lui procurent un certain inconfort.

Les difficultés sont également éprouvées sur le plan professionnel et sentimental à cause de sa fragilité physique. « J’ai arrêté de faire le concours parce qu’à chaque fois je me retrouvais entrain d’être malade et  hospitalisée à quelques jours de la composition. Ça a commencé à me traumatiser et j’ai décidé d’arrêter les concours. Je suis actuellement en recherche d’emploi. Il y a des travaux qu’on me propose mais c’est trop physique. Si je décide de m’engager je suis consciente que je ne vais pas tenir le coup. Je cherche par conséquent ce que je peux faire facilement sans trop d’efforts et qui peut me rapporter de l’argent. Côté sentimental, y a des ruptures dues à ma maladie qui arrivent », a-t-elle pu argumenter.

En vue d’émettre un conseil à l’endroit de ses semblables qui ont encore la frousse d’affronter la vie, elle a expliqué que « Il faudrait qu’on essaie de se dire nous sommes malades mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire. La vie est dure. On doit avoir un mental de fer. Le fait d’être drépanocytaire n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une raison de se faire stigmatiser par les autres. Nous ne sommes juste pas énergétiques comme les autres. Quand on est fatigué, reposons nous. Mais lorsque ça va relevons nous tête haute car il faut encore y croire ». Les drépanocytaires sont des personnes quotidiennement stigmatisées, et vues d’un autre œil minimisant. Or, ils sont atteints de maladie comme toute autre et ont des droits pareils à tout humain. Les injurier à longueur de journée n’est pas chose recommandée car, leur situation peut être le vécu de l’autre demain. Alors, cessons les messages de haines et de stigmatisation car tout être humain à le droit de se frayer une place en société.

SOPPI EYENGA

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