Riziculture : La Semry, un Fardeau Financier pour l’État

La Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry) est devenue un fardeau financier pour l’État camerounais. Selon un récent audit de la Chambre des comptes, l’entreprise publique a accumulé des pertes de 7,799 milliards de FCFA entre 2018 et 2021, malgré des subventions publiques de 2,8 milliards de FCFA.
La Semry vend son riz à perte de manière chronique. Le kilogramme de riz blanchi coûte 743 FCFA à produire, mais est revendu à seulement 376 FCFA. Même avec une subvention de 131 FCFA par kilo, chaque unité vendue engendre une perte nette de 236 FCFA. La Chambre des comptes met en lumière une faible utilisation des capacités industrielles. Les deux grandes usines de transformation situées à Yagoua et Maga ont une capacité théorique de 46 800 tonnes par an, mais n’en ont transformé que 2 687 tonnes en 2021, soit 5,74 % de leur potentiel. Selon les responsables de l’entreprise, ces usines peuvent fonctionner 18 heures par jour. Pourtant, en pratique, la production reste marginale, rendant les charges fixes et indirectes particulièrement lourdes au prorata du volume transformé.
Les charges de distribution atteignent 95 millions de FCFA, soit plus que les charges de transformation (74 millions de FCFA). Les frais généraux représentent en moyenne 65 % du montant des ventes, une part jugée excessivement élevée.
Des Marges de Manœuvre Existantes
La Chambre des comptes estime que l’entreprise publique conserve une marge d’action significative pour corriger ses dysfonctionnements internes. « En dépit du fait que le prix de vente du riz soit encadré par la réglementation, la SEMRY dispose de leviers sur lesquels elle pourrait agir afin de rentabiliser ses activités de transformation et de commercialisation », relèvent les magistrats financiers. Parmi les pistes de réforme avancées figure l’alignement de la transformation annuelle du paddy sur les capacités maximales de ses usines. Une telle optimisation permettrait de diluer les charges fixes sur un volume plus important, réduisant ainsi le coût de revient unitaire. La mise en place d’un plan de transformation annuel est également recommandée, de même qu’une rationalisation rigoureuse des frais généraux et des charges de distribution, dont le poids excessif pèse lourdement sur la rentabilité de la filière.
Une Situation Préoccupante
Si ces réformes ne sont pas mises en œuvre, la Semry continuera d’engloutir des ressources publiques sans jamais atteindre ses objectifs. « À défaut de ces réformes structurelles, la Semry continuera d’engloutir des ressources publiques sans jamais atteindre ses objectifs », préviennent les magistrats financiers. Une situation qui ébranle la crédibilité de la politique agricole nationale et interroge sur la capacité de l’État à transformer ses ambitions productivistes en résultats concrets, au-delà des slogans.
A.B