Loi Duplomb : Sous la pression citoyenne, la majorité réclame un avis scientifique

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Plus de 1,5 million de citoyens ont signé une pétition contre la loi Duplomb, qui autorise sous conditions un pesticide controversé. Face à cette mobilisation inédite, plusieurs élus de la majorité appellent à saisir l’Anses pour éclairer le débat par la science, tandis que le gouvernement se dit prêt à rouvrir les discussions au Parlement.

La pétition lancée par une étudiante contre la loi Duplomb a dépassé, en une dizaine de jours, les 1,5 million de signatures, triplant le seuil des 500 000 requis pour déclencher un débat parlementaire. Ce mouvement citoyen d’une ampleur rare traduit une inquiétude profonde autour des enjeux environnementaux et sanitaires liés à ce texte. La loi, portée par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, prévoit de réintroduire sous conditions un pesticide interdit en France, mais encore autorisé dans d’autres pays européens. Ce produit est particulièrement prisé par les filières de la betterave et de la noisette, dont les représentants assurent ne disposer d’aucune alternative efficace pour lutter contre certains ravageurs. En revanche, les apiculteurs et de nombreux scientifiques dénoncent son impact sur la biodiversité, notamment sur les abeilles, ainsi que les risques potentiels pour la santé humaine, encore mal connus en raison du manque d’études approfondies.

Devant la pression grandissante, plusieurs membres de la majorité présidentielle, y compris le patron du parti Renaissance Gabriel Attal, ont plaidé lundi 21 juillet pour la saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). « Mon souhait, c’est que ce débat puisse être orienté avant tout par la science », a déclaré le chef de file des députés macronistes, appelant à ce que l’Anses fournisse un avis qui servirait de « boussole » au législateur. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a rapidement soutenu cette initiative, estimant que le recours à l’expertise scientifique permettrait de « sortir des postures politiques dans un sens comme dans l’autre ». Elle a néanmoins rappelé que « la science n’a pas vocation à se substituer au politique, mais elle peut utilement l’éclairer ».

La perspective d’un débat en séance semble désormais acquise. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), ainsi que plusieurs élus du MoDem et du Rassemblement national, dont Marine Le Pen, ont exprimé leur soutien à cette démarche démocratique. L’ancienne candidate à la présidentielle, bien qu’ayant voté pour la loi, a affirmé que « seul un débat démocratique » permettrait de rétablir la « confiance » des citoyens, qu’elle estime mise à mal par les « mensonges » entourant la pétition. La Conférence des présidents de l’Assemblée nationale devra décider à la mi-septembre si ce débat est inscrit à l’ordre du jour de la rentrée parlementaire. Mais même les membres du gouvernement anticipent cette issue : la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a assuré que l’exécutif était « pleinement disponible » pour participer à ces discussions.

Si le texte continue de diviser l’opinion, y compris au sein de la majorité, plusieurs élus rappellent les enjeux économiques liés à l’agriculture française. Gabriel Attal a mis en garde contre une « désindustrialisation agricole », soulignant qu’ »on ne gardera pas l’agriculture la plus qualitative au monde si on interdit certaines choses sans solution alternative et qu’on importe des produits venus de l’étranger, qui utilisent des techniques interdites à nos agriculteurs ». La complexité du sujet, à la croisée des intérêts agricoles, des impératifs sanitaires et des enjeux écologiques, souligne la nécessité d’un débat public approfondi. La mobilisation citoyenne, devenue impossible à ignorer, semble avoir ravivé une demande de transparence, de responsabilité politique et de décisions éclairées par la science.

Claude KENDEG

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