Filière cacao : Les agriculteurs face aux défis des changements climatiques

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Le secteur du cacao au Cameroun est en crise. Les producteurs de cacao sont confrontés à de nombreux défis, notamment la baisse des prix, les changements climatiques et la concurrence accrue des autres pays producteurs.

Dans la région du Centre, qui est un important bassin de production de cacao, les pratiques de séchage des fèves de cacao ont changé. Les producteurs, comme Sévérin Koa, un planteur de 55 ans qui possède plusieurs dizaines d’hectares de cacao, ont adapté leurs méthodes en raison des conditions climatiques imprévisibles. « Quand il y a du soleil, nous séchons au soleil. Mais quand il pleut, nous étalons les fèves sur nos séchoirs et allumons le feu pour les sécher », explique-t-il. Cette méthode est devenue courante en raison des périodes de pluie fréquentes qui rendent difficile le séchage au soleil.

Pour Koa, le climat est de plus en plus instable, ce qui rend difficile la planification du séchage du cacao. Les périodes de pluie prolongées et imprévisibles obligent les planteurs à trouver des alternatives pour sécher leurs récoltes, comme l’utilisation de séchoirs internes ou externes avec du feu. « Il peut pleuvoir pendant quatre ou cinq jours de suite. Entre-temps, tu as un grand stock de cacao mouillé chez toi et qui commence à moisir. Tu fais comment ? Nous sommes obligés de créer des espaces comme ça pour le sécher durant cette période. Et, puis le climat est devenu imprévisible. Le matin tout commence bien, avec un beau petit soleil. Puis, à peine, tu mets ton cacao dehors pour le sécher que la pluie commence. Pour le ramasser encore et le mettre à l’intérieur, c’est beaucoup de travail. Certains de mes collègues préfèrent ne plus courir le risque de mettre leur cacao dehors. Ils le sèchent à l’intérieur de leurs maisons, allument le feu et le remuent régulièrement », affirme-t-il.

Koa reconnaît que le séchage des fèves de cacao à la fumée peut affecter leur qualité si cela n’est pas fait correctement. Il insiste sur l’importance de séparer le cacao du feu et de contrôler la fumée pour éviter de donner un goût de fumée aux fèves. Cependant, il admet que certains producteurs, pressés par le besoin d’argent, peuvent prendre des raccourcis et risquer de dégrader la qualité de leur cacao. « Il y a une manière de le faire. On n’utilise pas cette fumée n’importe comment. Le cacao et le feu doivent d’abord être séparés par une bonne distance. Les flammes ne doivent pas toucher les fèves, ou être même très proches d’elles. Ce n’est que la fumée qui doit les toucher, et même cette fumée doit être tenue à une bonne distance. En réalité, ça prend du temps, car les flammes doivent être douces (…), mais il y a certains collègues qui sont souvent pressés et font presque frire leurs fèves pour qu’elles sèchent vite, parce qu’ils ont besoin d’argent. Le problème est que personne n’aime vendre son cacao totalement mouillé, car le prix d’achat est presque divisé par deux. Moi, je le fais ici sans jamais avoir pour autant un mauvais retour de mes acheteurs. Vous ne pouvez même pas savoir qu’il a été séché à la fumée », dit-il à Mongabay.

Disparition progressive des forêts

L’utilisation croissante du feu de bois pour sécher les fèves de cacao pourrait agacer la pression sur les forêts camerounaises. En effet, le séchage des fèves de cacao nécessite une grande quantité de bois pour produire suffisamment de fumée, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la déforestation. Séverin Koa, un producteur de cacao, au micro de Mongabay que « Le feu doit être grand, pour produire beaucoup de fumée nécessaire au séchage. Ce sont de grandes quantités de cacao que nous séchons. Il arrive parfois que je mette six ou sept sacs dehors [600 à 700 kilogrammes, Ndlr] ».

Ainsi, les planteurs, ayant opté pour cette méthode, ont surtout besoin de grands fragments de bois provenant des grands arbres ou des arbres moyens. De ce fait, le Cameroun pourrait voir ses chiffres liés à la déforestation augmenter. Ceci, au cas où les planteurs continueraient d’affronter les effets du changement climatique, notamment la rareté du soleil, qui les contraint à se tourner vers le séchage des fèves au feu de bois.

Selon un rapport de l’Ong française CANOPEE de 2021, le Cameroun perd environ 0,6% de ses forêts chaque année en raison de la déforestation. L’une des principales causes de cette déforestation est l’utilisation du feu de bois comme source d’énergie, ce qui contribue à la dégradation de l’environnement et à la perte de biodiversité.

Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) indique que le bois et le charbon sont les principales sources d’énergie pour les ménages au Cameroun, représentant respectivement 82,3% et 30,6% de la consommation énergétique nationale. Cette dépendance au bois et au charbon est encore plus prononcée en zone rurale et dans certaines régions, comme l’Extrême-Nord, où elle atteint 95%.

Crédit image : Mongabay Afrique

Albert BOMBA

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