Falaise de Dschang : Un autre éboulement en cours

Dans une interview exclusive accordée à Green And Health News, Stella Tchoukep, Chargée de la campagne forêt à Greenpeace a annoncé qu’il pourrait y avoir un autre éboulement dans cette partie du pays.
Le Cameroun fait face à de nombreux défis liés aux changements climatiques. Quelles sont les actions que Greenpeace a menées pour cette cause au pays ?
Les actions se situe à deux niveaux. Premièrement il y a d’abord la veille juridique, donc le suivi les législations parce qu’à chaque fois qu’il y a un événement, le droit a cet objectif de résoudre les problèmes sociaux. Lorsqu’il y a une crise qui survient ou lorsqu’il y a un problème social qui se pose, la question immédiate qui vient à l’esprit c’est ce que la législation a prévu. Là nous sommes dans le domaine du changement climatique. Il y a pas mal de politique que le Cameroun a élaboré sur la question. A ce niveau-là, on se dit est-ce que dans la souvenance des crises chacun a eu à faire son rôle ? ; quel était le rôle par exemple de l’ONACC dans la gestion ou bien dans la prévention de la crise ? ; qu’elle était le rôle des Autorités administratives ? C’est un rôle de veille juridique d’élaborer et de vérifier que chacun a son niveau as fait ce qu’il fallait en fonction du rôle qui était le sien ça c’est le premier niveau d’action.
Le deuxième niveau, c’est en ce qui concerne la catastrophe elle-même. Lorsque par exemple l’éboulement survient au niveau de la falaise de Dschang ou bien lorsqu’il y a des inondations au niveau de l’extrême nord, la question qui se pose c’est effectivement en matière de gestion concrètement proprement dites qu’est-ce qui est fait ? A notre niveau c’est plus l’alerte, c’est plus la sensibilisation et c’est attiré l’attention de différentes personnes notamment les populations parce que ce sont elles qui sont victimes et susciter aussi leur responsabilité dans ce qui arrive et peut-être pour mieux les outiller à gérer les crises qui surviennent. Egalement, c’est attirer l’attention des pouvoirs publics notamment au niveau des municipalités, des sous-préfectures pour voir concrètement ce que chacun a eu à faire. Greenpeace est une organisation de plaidoyer et le plaidoyer se fait tant au niveau national qu’au niveau local avec les populations. Généralement quand une crise ou une catastrophe souvient, c’est comme ça que nous procédons également pour proposer parce qu’on n’est pas simplement en train d’évaluer ce que les uns et les autres devraient faire. Lorsque cela est fait, on se dit aussi comment est-ce que pour les prochaines fois, les autorités et les populations pourraient se comporter pour réduire l’impact de la crise en question. C’est ce que nous avons eu à faire lorsqu’il y a eu des éboulements du côté de Damas, à la falaise de Dschang et Bafoussam ; lorsqu’il y a eu des inondations du côté de l’extrême nord.
Malheureusement ce que nous déplorons c’est que les recommandations qui sont faites ne sont pas toujours prises en compte raison pour laquelle on se retrouve dans un schéma perpétuel de recommencement et avec des crises qui mettent à mal non seulement la sécurité des biens mais également des personnes.
Ces derniers mois, le Cameroun fait face à de terribles catastrophes liées au changement climatique notamment les éboulements de terrain. Selon vous, quelles sont les meilleures stratégies à adopter pour prévenir ces catastrophes ?
Pour pallier aux problèmes de catastrophe naturelle, on peut agir à trois niveaux et ce sont les recommandations que nous faisons à chaque fois qu’il y a survenance d’une catastrophe naturelle. La particularité des catastrophes naturelles, c’est que c’est la nature qui décide quand est-ce qu’elle va réagir par rapport à X ou par rapport à Y situation ou phénomène. La prévention c’est quelque chose sur laquelle nous disons, il faut mettre beaucoup d’accent et beaucoup d’investissements. Les catastrophes qui arrivent au Cameroun peuvent être prévenues, mais malheureusement, elles n’ont pas été anticipé. L’Onacc avait déjà prédit qu’il y a certaines catastrophes qui devaient se produire notamment à Bafoussam, malheureusement, on n’a pas suivi les instructions.
Donc dans le cadre de la prévention, il est important de suivre les directives que donne les institutions chargées de faire le suivi des événements climatiques extrêmes ou pas. Il est important de suivre les recommandations qui sont données et de prendre surtout les mesures parce qu’une fois que la recommandation est donnée, il faut prendre les mesures nécessaires pour réduire les dégâts que cela va causer. Une catastrophe naturelle si elle va arriver, elle arrivera. Ça c’est la première chose.
Maintenant, lorsque la catastrophe survient, on parle de la gestion de la catastrophe ou la gestion des impacts. A ce niveau, il faut prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les biens et les personnes. Si on regarde la catastrophe récente avec la falaise de Dschang, on va bien se rendre compte que la gestion n’a pas été efficace raison pour laquelle le deuxième éboulement qui est survenu à causer plus de dégâts que le tout premier parce que les mesures de sécurité n’avaient pas été prise et on a eu plus de dégâts que la première secousse. Ça c’est la deuxième chose.
La troisième chose, c’est les actions de pérennisation et de suivi. Aujourd’hui, ce qu’il faut dans le cadre de falaise de Dschang, c’est non seulement de sécuriser le site mais également de s’assurer que les infrastructures qui seront construites seront à même d’amortir le coût de l’impact parce que, quand on regarde la falaise, on est presque sûr qu’il y aura d’autres éboulements de ce côté là parce que le propre des changements climatiques c’est qu’on ne maîtrise plus les saisons, on ne maîtrise plus la quantité de pluie nécessaire qu’on peut avoir. Lorsque le sol emmagasine beaucoup d’informations ou bien beaucoup de pluie, ça fait en sorte que forcément il pourra avoir soit une inondation, soit des éboulements. Donc, quand cela survient, en amont il faut pendant la catastrophe bien gérer et par la suite construire les infrastructures nécessaires qui vont supporter les édifices et qui vont permettre aux biens et personnes de pouvoir circuler en toute sécurité.
A travers les actions que mènent Greenpeace Afrique au Cameroun, y’a-t-il une meilleure stratégie à adopter pour réduire les catastrophes climatiques au pays ?
A ce niveau, il faut voir les catastrophes climatiques non pas comme un problème local mais comme un problème global. Ça veut dire que ce serait difficile de mettre un terme aux impacts du changement climatique si on n’arrive pas à traiter le problème du changement climatique en lui-même et vu que c’est un problème mondial, il faudrait qu’on trouve une solution au niveau global. C’est la raison pour laquelle, il y a plusieurs initiatives au niveau local, au niveau régional, au niveau national, au niveau des instances sous régionales, au niveau de l’Union africaine et au niveau des Nations Unies. Il y a plusieurs dynamiques qui sont mises en place pour discuter de la question du changement climatique, de leurs impacts et pour trouver des solutions.
Greenpeace préconise en tout cas que ceux qui sont responsables des changements climatiques doivent payer les dommages liés à cela. Par exemple, on a les continents comme l’Asie, l’Amérique, l’Europe qui malheureusement se sont développés sans tenir compte vraiment de l’impact climatique de leurs activités. Aujourd’hui, c’est nous qui en payons le prix. Quand je dis ‘’nous’’, je parle du continent africain. Alors, il est plus que nécessaire que ces derniers, premièrement arrête avec les activités qui ont un impact majeur sur le climat, ça c’est la première chose.
La deuxième chose, c’est qu’ils doivent payer pour les dommages, parce que nous aujourd’hui, on subit les dommages et pour pouvoir avoir un développement durable et des infrastructures qui sont viables sur la durée, on a besoin de financement et justement ces financements viendront en dédommagement des différents effets négatifs que nous aurons subis du fait de leur développement. C’est une boucle dynamique et chacun doit prendre la responsabilité qui est la sienne. A notre niveau, ce que nous devons faire, c’est de protéger davantage notre environnement parce que la nature ne nous rend que ce que nous lui donnons. Si nous nous acharnons à déforester ou à dégrader nos terres, on ne peut pas se plaindre de ce qu’il y a eu des changements climatiques, même si notre contribution au changement climatique est faible, on ne peut pas prendre encore nous-mêmes des propres mesures pour nous pénaliser, c’est comme se tirer une balle dans son propre pied. On devrait faire le maximum pour préserver notre environnement afin que les impacts qui viennent d’ailleurs soient réduits et faire notre propre écosystème notre bouclier et rempart face aux changements climatiques.
Greenpeace Afrique en février dernier a fait une sortie demandant au gouvernement camerounais l’annulation du décret de création du parc de Mbed Mbed. Quel était le problème ?
Le parc Mbed Mbed a fait l’objet d’un avis au public, je pense dans les années 2002 et aujourd’hui, nous sommes en 2025. Donc le décret créant le parc également était tout récent, mais on se rend bien compte qu’entre 2002 où l’avis au public pour dire que on va créer le pack a été lancé et aujourd’hui, il y a plus de 20 ans. Donc ça veut dire que, peut-être que les populations qui étaient là avant, aujourd’hui sont âgés certainement, pour d’autres ne sont plus là et ceux qui étaient enfant à l’époque, aujourd’hui sont adultes. Donc certainement par le passé, il y a eu un processus qui a été mis en place et aujourd’hui qu’il y a une population qui s’est ajoutée, il y a une autre dynamique qui se met en place. Si par le passé, créer le parc sur une certaine superficie ne dérangeait pas, aujourd’hui avec les mouvements migratoires, l’insécurité foncière, la lutte pour les ressources, on se retrouve avec une population dense qui a besoin de plus de ressources et de plus d’espace. A ce moment-là, la question qui se pose c’est si vous créez le parc ici, nous qui étions là où est-ce qu’on va aller ? Si à l’époque, il y avait 20 personnes, aujourd’hui la population a certainement augmenté et dont la population a besoin de plus de ressources et plus d’espace pour pouvoir se mobiliser, se développer et s’épanouir.
Les populations se plaignent parce qu’elles veulent qu’il y ait un autre débat pour prendre en compte les réalités actuelles. Si la population a augmenté, il faudrait qu’on prenne en compte cela parce que la population étant là, a déjà ses modes de vie, ces traditions et ses coutumes installées. S’il faut les déguerpir, il faut trouver le moyen de le faire efficacement pour ne pas créer d’autres problèmes. Il faut également que les doléances qui sont posées soient analysées et étudier et en fonction de la faisabilité, une prise en compte et une mise en œuvre.
La lutte contre la déforestation peut-il minimiser les inondations en réduisant le ruissellement de surface et en augmentant l’infiltration de l’eau ?
Quand on a un couvert forestier ou quand on a une végétation, c’est comme notre bouclier. La végétation et les forêts sont notre premier rempart face aux événements climatiques extrêmes. C’est un peu comme si on établissait un mur de soutènement au niveau d’une falaise ou bien lorsqu’on voit qu’il y a un éboulement qui peut survenir, on construit un mur de soutènement pour empêcher que la terre ne descende et ravagée tout ce qui aura été construit ou bien toutes les personnes qui se seront installés là. Les forêts c’est notre bouclier naturel, on n’a pas demandé à avoir ses forêts. Avant les activités de reboisement et de reforestation, on n’avait pas planté d’arbres pour la plupart, ces forêts sont centenaires. Quand tu vas au combat, c’est notre armure. Si aujourd’hui tu baisses la garde, tu vas te prendre en plein face tout ce qui va survenir comme inondation et évènement climatique extrême. Donc, ce n’est ni une faveur, ni facultatif, on est obligé de le faire. Si on ne le fait pas, c’est tout simplement à nos risques et périls. Aujourd’hui quand on parle de la protection des sols, on a suffisamment de dégradation de la qualité de nos sols parce que très souvent la végétation a été remplacée pour d’autres activités. Donc, on a intérêt à protéger nos forêts, à avoir des villes durables et renforcer nos couverts forestiers.
En s’appuyant aux problèmes d’infrastructure, les pays africains et notamment le Cameroun sera-t-il mieux armé pour résister aux fortes pluies et réduire les inondations ?
Je vais dire non malheureusement parce que, quand on regarde aujourd’hui les inondations et les impacts ou bien les conséquences que cela a sur les infrastructures, on se rend compte qu’on n’est juste pas préparé à ce qui arrive. Lorsqu’il y a une inondation du côté de l’Extrême Nord, on va se rendre compte que les digues vont se rendre facilement et que les ponts qui étaient construits vont se rendre également facilement et cela va impacter justement la circulation des biens et les personnes. Malheureusement, chaque année, on a du côté de l’Extrême Nord pour ne citer que ce cas, les inondations qui de manière systématique cause des dommages sur les infrastructures. A contrario, on va aussi se rendre compte qu’il y a beaucoup de partenaires qui sont installés dans la zone et qui financent les travaux, c’est à se dire qu’elle est la dynamique ou la vision derrière ? Est-ce qu’on veut effectivement que l’Extrême Nord soit prémunis contre les inondations ? est-ce qu’on veut que l’Extrême Nord Subisse ces inondations chaque année sans changement ?
Si c’était la première option de prémunir l’Extrême-Nord et les populations contre les changements climatiques, il y aurait eu certainement une meilleure construction d’infrastructures qui sont adaptés au climat qui est là-bas et aux intempéries qui peuvent survenir, parce que la façon de construire à l’Ouest n’est pas nécessairement la façon de construire à l’Extrême Nord. Le climat qui est celui de l’Ouest n’est pas nécessairement celui de l’Extrême Nord. On peut comparer l’Est et l’Extrême Nord. A l’Est, on a suffisamment de forêt, dans le Sud, on a suffisamment de forêt. Par contre à l’extrême Nord, ce n’est pas le cas. Du coup, quand les pluies arrivent, elles arrivent vraiment en abondance et la quantité fait en sorte que si l’infrastructure n’est pas solide, ça va rompre et ça va pénaliser les populations comme on le voit. Donc aujourd’hui, quand on parle du concept de durabilité, c’est ça. Ça veut dire que, dans tout ce qu’on fait, il faut intégrer le concept de durabilité et de viabilité, c’est à dire que sur le long terme quand on pose une action, on ne peut pas venir remplacer une digue qui a été rompue par les eaux issues de l’inondation comme si on construisait un simple pont pour permettre à deux canaux de passer. Si on ne veut pas que l’inondation cause le même problème forcément en remplaçant l’infrastructure, on devrait s’assurer que la prochaine inondation ne cause pas le même problème. C’est le principe de la construction durable, c’est le principe des infrastructures durables. Et aujourd’hui on va se rendre compte que plus ce n’est pas pris en compte plus les infrastructures qui existaient vont se dégrader et ne seront plus accessibles et ça va causer les dommages qu’il faut.
Maintenant, on peut aussi prendre un autre exemple du côté de la falaise du Dschang et c’est là où nous disons que la prévention intervient. Normalement, on devrait recenser tous les sites à risques, toutes les zones à risque et prendre les mesures qui s’imposent. Du côté de la falaise de Dschang, c’est quelque chose qui était envisageable et on pouvait prévenir que cela allait arriver et sachant cela, c’est aujourd’hui qu’on essaie de voir les mesures de contournement et pourtant avant l’écoulement, on aurait déjà pu arrêter l’accès à cette route là et prévoir une voie le contournement durable ou bien si on sait que l’éboulement va arriver, on se prépare déjà à construire une infrastructure qui va permettre de bloquer les terres qui vont descendre. Et c’est là où on dit, il faudrait que les pollueurs payent parce que nous on a besoin d’argent pour construire ce type d’infrastructure, sinon on va couper nos forêts pour construire les infrastructures et ça n’a pas de sens. On va couper les forêts et on sera plus vulnérables. On aura l’argent, au lieu de construire les infrastructures, on sera en train de gérer les impacts du changement climatique.
Une fois qu’on a les financements, il faut bien gérer parce que ça aussi c’est le malheur du Cameroun. Je ne cesse de le dire, la corruption est le pire fléau que nous avons connus au Cameroun. Donc une fois que nous avons les financements issus de la finance climatique, si ces financements ne sont pas bien gérés, on aura les mêmes problèmes et les mêmes conséquences. Ce sont les populations locales et les peuples autochtones qui vont subir.
Quelles seront les actions majeures de Greenpeace tout au long de l’année 2025 ?
Les actions majeures que Greenpeace va mener durant l’année 2025 sont reparties en trois notamment les actions de plaidoyer. C’est vraiment le focus parce que Greenpeace est une c’est une organisation de plaidoyer sur la reconnaissance du statut légal des peuples autochtones au Cameroun, car ce sont les premiers habitants de la forêt. Malheureusement, ces derniers ne sont pas toujours intégrés dans les processus de prise de décision du fait que leur statut de peuple autochtone des forêts n’est pas reconnu. Donc, ça c’est un chantier sur lequel on voudrait bien travailler de manière concrète. C’est la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui décidé de travailler avec le ‘’Mouvement pour la justice climatique’’ pour voir ce qu’ensemble, on pourrait faire.
Donc, en plus des actions de plaidoyer, on regarde aussi tout ce qui est comme résilience climatique, de voir concrètement sur le terrain, ce qui peut être fait pour permettre à certaines populations de pouvoir se prémunir ou bien de pouvoir mieux gérer les conséquences de changements climatiques. On voit ici tout ce qu’il y a de reforestation, de reboisement, etc.
En troisième lieu c’est l’accès direct au financement, ça c’est vraiment quelque chose sur lequel nous voulons mettre beaucoup d’accent parce qu’on s’est rendu compte qu’aujourd’hui ceux qui ont accès au financement sont les entreprises, les gouvernements. Malheureusement ces derniers ne prennent pas toujours des mesures nécessaires pour protéger les populations et on se dit, si les populations ont un accès direct à la finance climatique, cela peut leur permettre de de continuer à protéger les forêts parce que, si les populations ne sont pas sécurisées, elle-même vont contribuer à la déforestation. Également, les populations doivent pouvoir développer des activités résilientes qui vont leur permettre d’avoir non seulement des sources de revenu et aussi de continuer à protéger les forêts.
Propos recueillis par Albert BOMBA