Madagascar : L’île renforce sa lutte pour sauver sa biodiversité

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(Green And Health News) – Alors que Madagascar ne dispose plus que de 16 % de son couvert forestier, les autorités multiplient les efforts pour restaurer ses écosystèmes. Du reboisement massif à la répression sévère des feux de brousse, la Grande Île met en œuvre une stratégie ambitieuse pour enrayer la dégradation de sa biodiversité.

Le 9 mai dernier, au sud d’Antananarivo, Madagascar a donné le coup d’envoi d’une vaste campagne d’entretien de ses espaces reboisés. Un chantier crucial dans un pays où le reboisement est un devoir national. À l’instar d’une révision automobile, les opérations incluent le désherbage autour des jeunes plants, leur arrosage, la replantation si nécessaire et la construction de pare-feu pour éviter les feux destructeurs. En 2022, 345,5 millions d’arbres avaient été plantés, avec un taux de réussite de 70 %, légèrement en baisse à 69 % l’année suivante. Mais les chiffres masquent une réalité plus complexe : sans entretien et protection, ces plantations ne deviennent jamais de véritables forêts.

Le reverdissement au cœur de la stratégie climatique

Inscrit dans le Plan national d’adaptation au changement climatique adopté en décembre 2021, le reverdissement de l’île prévoit de planter chaque année sur 75 000 hectares, restaurer 4 millions d’hectares de forêts dégradées d’ici 2030, et renforcer la lutte contre les incendies. Ce programme s’inscrit aussi dans le cadre de l’initiative panafricaine AFR100. Dans ce contexte, un soutien financier de 5,5 millions USD a été octroyé par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du développement pour la région Boeny. Ce projet, coordonné par la FAO, s’étale sur quatre ans (2024-2027).

Les experts appellent à un changement de paradigme

Pour les spécialistes, planter ne suffit plus. « Nous nous contentons de planter des arbres sans prendre la peine de les transformer en forêts », alerte la chercheuse Dr Linjasoa Rakotomalala de l’initiative INDRI. À ses côtés, la plateforme Alamino, forte de 50 entités partenaires, a défini dix principes clés pour réussir la reforestation, avec un accent sur l’implication des communautés et le suivi rigoureux. La botaniste Narindra Ramahefamanana plaide pour une plantation raisonnée : le bon arbre au bon endroit, et surtout une continuité dans l’entretien. Car le principal échec vient du manque de suivi, reconnaît-elle.

Un défi foncier à relever pour la pérennité des actions

Si les projets de restauration écologique se multiplient, leur durabilité est menacée par l’insécurité foncière. Des sites reboisés sont régulièrement envahis par des squatters. Pour y remédier, le Premier ministre Louis Christian Ntsay a souligné la nécessité de transformer ces zones en domaines privés de l’État, garantissant leur protection à long terme. 60 % des Malgaches dépendent directement des ressources forestières pour survivre, un chiffre qui souligne l’importance socioéconomique de la restauration écologique.

Les feux de brousse, fléau persistant et ciblé par la justice

Mais le pire ennemi de la biodiversité malgache demeure les feux. En 2024, plus de 6,2 millions d’hectares ont été ravagés, majoritairement des brousses mais aussi des aires protégées. Pour y faire face, la justice a décidé de frapper fort. Dans une circulaire du 2 avril, le ministre de la Justice a exigé le placement systématique sous mandat de dépôt des pyromanes présumés, avec réquisition des peines maximales à l’audience. « Il faut expliquer clairement la politique pénale en matière de feux », insiste Benjamin Alexis Rakotomandimby. La sévérité judiciaire est désormais le corollaire d’une politique environnementale musclée. Les feux aggravent non seulement la perte de biodiversité, mais fragilisent aussi l’économie nationale, en affectant l’agriculture et le tourisme.

Une course contre la montre pour l’avenir

À Madagascar, la restauration écologique ne se résume pas à une action environnementale. Elle est devenue une urgence nationale et une opportunité de développement. Mais pour réussir, il faudra conjuguer rigueur, implication populaire, clarté foncière et persévérance. Un pari difficile, mais vital pour une île qui a déjà perdu les deux tiers de son patrimoine forestier en un demi-siècle.

Claude KENDEG

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